Auteur : Chroniques roulantes

  • L’accès à l’école : le parcours du combattant (pt.2: les adaptations d’examens)

    La question des adaptations d’examens constitue le second grand enjeu du processus de scolarisation des élèves handicapés, et non des moindres. Une situation de handicap est de nature à impliquer une plus grande exposition de l’élève à la lenteur et à la fatigabilité, désavantages à qui il incombe donc aux autorités de compenser.

    Si, une fois de plus, cet aspect demeurait moins encadré lors de ma scolarité qu’à l’heure actuelle où celui-ci est géré par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH), il me semble une nouvelle fois aux vues de certains témoignages que la prise en compte de chaque handicap et de chaque difficulté au sein des adaptations ne soit toujours pas effective. Si chaque handicap est propre, il peut s’avérer indispensable de mettre en place plusieurs adaptations techniques ou logistiques assurant à l’élève un suivi sans entrave des divers enseignements. J’ai une fois de plus, lors de mes consultations de plusieurs articles de presse, pu constater que l’Éducation Nationale restait encore frilleuse à assurer l’adaptation des supports et des techniques d’enseignement (braille, agrandissement des caractères sur les sujets d’examens). Reste également irrésolue la dibiculté des adaptations d’examens dont beaucoup font encore l’objet de refus. Une fois de plus, ma propre expérience en dit long sur la défaillance totale de l’Éducation Nationale à répondre à cette problématique. Mon handicap implique ainsi une nécessité pour moi de travailler uniquement sur support informatique avec du matériel adapté (ordinateur, joystick et clavier adapté avec un guide-doigts) en raison de mon incapacité à tenir un stylo. Par ailleurs, si mes problèmes de mobilité sont responsables de la lenteur absolue de mon processus d’écriture et du décuplement de ma fatigabilité, il est donc indispensable de remédier à ces difficultés par la mise en place de certaines adaptations (notamment allongement de la durée de l’épreuve et adaptation des sujets). Cette question a posé des difficultés majeures lors de mon passage de l’examen du Brevet des Collèges pour lequel le refus par l’Éducation Nationale de l’adaptation des sujets me contraignit à des compositions dans des conditions lamentables et qui furent d’une durée interminable. C’est sans compter l’épreuve de l’oral d’Histoire des Arts dont on avait prétendu m’accorder une dispense toute l’année pour finalement me prévenir quelques semaines avant de ma comparution obligatoire à celle-ci, sans même me permettre de fournir un écrit, ce qui constitue une méthode bien plus adaptée à mes difficultés d’élocution ! La gravité de la situation ne fut pas en s’améliorant au lycée lors de mon année de seconde, durant laquelle l’octroi du temps supplémentaire me fut systématiquement refusé ! Ainsi, si je suis enfin parvenue l’an passé à la validation de mon diplôme de Master, c’est bien en raison du fossé considérable existant entre les conditions d’accueil en milieu classique et celles m’ayant été accordées par la faculté. Aux suites de mon année de Seconde, je fis le choix de m’orienter vers une Première Littéraire au CNED, par lassitude envers les diffcultés déjà vécues, qui refreinèrent donc mon envie de passer le Baccalauréat. C’est alors que je découvris par le fruit du hasard l’existence d’une formation de Capacité en Droit offrant une équivalence de celui-ci pour intégrer la première année de Licence. Les conditions dans lesquelles m’accueillit la responsable de cette formation assurée au sein de l’École de Droit de Clermont-Ferrand témoignèrent du fossé considérable existant entre la perception du handicap affichée par l’Éducation Nationale et celle régnant au sein de l’enseignement supérieur, accordant bien davantage de souplesse aux professionnels. Par le fruit d’un accord entre la Responsable de formation et le médecin universitaire qui firent preuve de beaucoup d’humanité et de bienveillance, je fus autorisée à assister aux cours accompagnée de ma maman dont on refusait systématiquement la présence en milieu classique lorsqu’elle se proposait comme remplaçante. De plus, l’application de l’ensemble des adaptations d’examens, systématiquement refoulés dans le passé, me fut accordée sans entrave aucune (utilisation de mon matériel, temps supplémentaire, salle à part, adaptation des oraux en écrit et réduction des sujets) et fut mise en oeuvre avec bienveillance par les responsables de l’administration.

    Conclusion

    L’inclusion scolaire est une aubaine permettant l’intégration des personnes en situation de handicap à notre société. En plus du grand nombre de savoirs et compétences qu’il me fut permis d’acquérir tout au long de ma scolarité, celle-ci fut le tremplin de mon insertion au monde des valides, duquel les institutions spécialisées m’auraient considérablement éloignée. En effet, mon cursus scolaire ainsi qu’universitaire fut une incroyable opportunité pour moi de m’intégrer au monde des valides et de nouer avec eux nombre de liens affectifs et amicaux. Si je peux assurer ne jamais, ou du moins, à de très rares occasions avoir été l’objet d’éventuelles moqueries, mon inclusion au sein de structures éducatives classiques m’ouvrit alors les portes vers le monde qui m’entourait, et vers mes rencontres avec mes amis et mes professeurs. Mon expérience montre ainsi un exemple très concret des chances inestimables offertes par l’insertion scolaire aux personnes handicapées d’être intégrées à la société, de développer l’ensemble des savoirs indispensables à l’exercice d’une pleine citoyenneté, de connaître nombre d’interactions sociales utiles à se découvrir en tant qu’être humain, de découvrir l’autre et connaître ainsi une existence sur le plan social, susceptible de déboucher sur un éventuel avenir professionnel. Il est également important d’ajouter que la présence de personnes handicapées constitue non seulement une chance pour celles-ci mais également pour les autres élèves et même les professeurs, obrant l’occasion de changer de perspective, car l’inclusion constitue un moyen pour chacun de s’adapter et de grandir. En effet, il est intéressant de se référer aux témoignages de certains enseignants lesquels confiaient que ma présence au sein de leurs classes contribuait à instaurer un esprit d’entraide, de solidarité, lequel n’était pas systématiquement observé, du moins pas à la même échelle, au sein des autres classes. De plus, il est sans conteste que la poursuite par une personne handicapée d’un parcours scolaire en milieu classique représente la meilleure opportunité en sa faveur de découvrir ses goûts, ses attraits, de développer des connaissances et des opinions, de se forger un avis subjectif et personnel au sujet de la société qui l’entoure et ainsi de révéler ses compétences et ses talents.

  • L’accès à l’école : parcours du combattant (pt. 1)

    Crédit : Canva.fr

    L’accès à l’éducation pour les enfants et étudiants en situation de handicap est l’un des sujets les plus polémiques abordés dans la sphère publique. Sur le papier, pourtant, le sujet semble avoir été pensé et encadré de sorte à ce que chaque élève en âge d’aller à l’école puisse être scolarisé. C’est ce que prévoit, tout du moins la fameuse loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances et plus particulièrement l’article 19 Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation.”

    Comme bien souvent en matière de handicap, de la lettre à la réalité, le fossé est de taille et il existe plusieurs raison à cela. La première réside dans le manque d’Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap (AESH; AVS à mon époque). Cette fonction absolument indispensable à la poursuite de l’objectif républicain d’égalité des chances consiste à fournir à l’élève une aide technique dans tous les actes indispensables à sa scolarité qu’il ne peut réaliser seul (enlever / enfiler un manteau, sortir les cahiers, prise de notes, transferts, manger/boire, aller aux toilettes …).

    Pourquoi cette fonction est-elle en déficit de candidatures ?

    Plusieurs raisons à ce phénomène :

    • La rémunération: les AESH bénéficient bien souvent d’une rémunération faible.
    • Le manque de reconnaissance : peu d’avantages et un manque de formation persistant selon certains témoignages. En effet, une réforme avait il y a quelques années tenté certaines améliorations pour apporter un véritable statut à ces aides scolaires et une formation de soixante heures. De nombreuses personnes pratiquant cette fonction attestent de l’insuffisance de cette derrière qui n’apporte pas une information suffisante sur chaque type de handicap. Par ailleurs, beaucoup d’assistantes expriment leur sentiment de ne pas voir leurs compétences et leur rôle suffisamment valorisé au sein de la société.

    Mon expérience

    Tout au long de ma vie, mes parents mirent un point d’honneur à m’élever par leurs propres moyens, au domicile familial, refusant systématiquement tout recours à des institutions spécialisées si ce n’est pour certaines de mes prises en charge en termes de soins de santé, lors de mon plus jeune âge (kinésithérapeute, orthophoniste …). Ainsi, dès lors que je fus en âge d’être scolarisée en classe de maternelle, ils me firent passer des tests de Quotient Intellectuel dont les résultats confirmèrent amplement mes capacités de suivre un cursus classique à l’école de la République. C’est ainsi que je fus inscrite dès la petite section en école publique et accompagnée d’une Aide de Vie Scolaire (AVS). Durant une grande partie de ma scolarité notamment la première, cette question n’a pas été à l’origine de désagréments particuliers. Lors de mon entrée en classe de sixième, nous remarquons une première fois le refus de la part des autorités de maintenir en fonction des personnes entièrement qualifiées et motivées puisque le contrat de mon assistante de l’époque ne fut pas renouvelé; mais cet imprévu fut tout de suite rattrapé par ma rencontre avec la personne qui me suivra jusqu’à la fin de ma cinquième. Malgré de nombreux efforts, nous ne sommes pas parvenus à maintenir cette personne en fonction, cela sans compter les effets catastrophiques qu’engendrèrent cette absence sur ma situation familiale. En effet, un tel refus émis de manière tout à fait inattendue eut des conséquences sur celle-ci en ce que ma maman s’était vue contrainte de suspendre son activité professionnelle durant le temps que le Rectorat alloua à la recherche d’une solution. C’est un scénario similaire qui nous attendit à l’occasion de mon année de seconde durant laquelle les absences répétées de mon AESH ne furent remplacées que quelques semaines précédant la fin du troisième trimestre, et conduisirent, cette fois-ci, ma mère à quitter définitivement son emploi.

    Mon avis

    Ce genre de désagréments est non seulement une atteinte au droit pour l’élève handicapé d’être accueilli au sein d’une école classique, mais également à la stabilité du train de vie de la famille. Si la fameuse loi pour l’égalité des chances, en date du 11 février 2005, garantit en son article 19 le droit pour tout enfant ou adolescent présentant un handicap d’être accueilli en structure classique, cette disposition ne saurait être effective sans la présence des AESH, indispensable à accomplir tout acte que l’élève n’est pas en capacité d’assurer seul. Il est par conséquent essentiel à la stricte application de la loi de mener une plus grande sensibilisation à la problématique des AESH, à leur utilité fondamentale.

    Un autre aspect notable est aussi celui des difficultés entraînées par la pénurie de candidatures, contraignant une charge pour les Accompagnant(e)s de plusieurs enfants à la fois, et par conséquent une situation défavorable à l’élève, souvent accompagné par deux personnes. Une fois encore, je peux affirmer, au regard de mon vécu passé, qu’un double accompagnement est de nature à semer un trouble dans l’organisation du travail scolaire, ce dernier pouvant se révéler particulièrement défavorable à l’élève.

    En vous orientant vers la deuxième partie de cet article, vous pourrez découvrir la solution que je propose, conformément à ma propre expérience, pour résoudre à la fois le problème du manque de reconnaissance des AESH mais aussi celui du déficit de candidatures.